La ville est plongée dans l'obscurité. Quelqu'un a coupé l'alimentation électrique quasiment trois jours plus tôt. Puis tout à coup, un éclat rouge s'élève au-dessus de l'horizon accompagné d'un bruit de sirène. Des coups de feu éparses retentissent, suivis par de lourdes explosions. Et puis, le silence. Nous sommes à l'affut des voix de survivants, de l'ennemi... n'importe qui. Quelqu'un crie de douleur. Les médecins se lèvent d'un bond. Les rues sont tellement encombrées de débris qu'ils sont obligés de laisser leur ambulance derrière. Ils portent leurs sacs à leur épaule et disparaissent dans la nuit. Je souhaite que rien ne leur arrive. Parce que, voyez-vous, nous ne sommes pas en Afghanistan ni à Jakarta ou au Nouveau Caire. Nous sommes à Oklahoma City. Ces bons vieux Etats-Unis d'Amérique.
Je me tiens dans le centre de commande avancé de la 9ème Division de l'[[EMC]]. C'est le nom qu'ils ont donné à cette pharmacie bombardée. Deux jours plus tôt, des forces [[Votan|Votanes ]] ont déboulé sur la route I-40. Plusieurs milliers de personnes sont mortes dans cette première vague, jusqu'à ce que les troupes de l'[[EMC]] les repoussent et érigent une barricade. Ici, dans la pharmacie, les officiers de communication aboient dans des radios portatives, retransmettant les ordres donnés par un Commandant sinistre qui fait les cents pas tel un animal en cage, et donnant des coups de pieds dans les vieux flacons de médicaments qui jonchent le sol. Il demande à ses hommes de garder espoir mais je lis le doute dans ses yeux.
Juste à cet instant, un jeune soldat se précipite dans la pièce, présente un salut crispé au Commandant et lui tend un bout de papier. Il l'informe que la moitié de son escouade a été tuée lors de la dernière attaque, y compris leur Executive Officer. Le Commandant soupire et examine ce jeune homme. Maigre, fatigué. A peine sorti de l'enfance. Il pourrait tout à fait représenter l'[[EMC]].
Je grimace à chaque bombe que j'entends exploser au loin. Pas Nolan. Je lui demande pourquoi. Il se trouve que Nolan participe à cette guerre depuis un peu plus d'un an. Comme beaucoup d'autres sur la ligne de front, il n'a que 21 ans, ce qui signifie qu'il n'en avait que 10 lorsque les Votans sont arrivés sur Terre. Beaucoup d'eau a coulé depuis. Des années de colère suivies par l'étincelle qui enflamma le monde. Il était là lors de la bataille de St. Louis. Je lui demande ce qui est arrivé à sa famille. Il détourne le regard et murmure : "Beaucoup de choses." Je lui demande de préciser, mais il refuse. Il répond juste qu'il ne retournera jamais chez lui. Plus jamais.
Nolan soupire, portant sur ses épaules un poids bien trop lourd pour son âge. Il a déjà ce regard, celui que les Marines avaient l'habitude d'appeler le [http://en.wikipedia.org/wiki/Thousand-yard_stare regard des 1000-yards]. Je lui demande s'il s'en sortira. Il hausse simplement les épaules. Le bruit des coups de feu reprend. Nolan se lève, et me tend sa boîte à moitié consommée. "Je dois y retourner", c'est la seule chose qu'il dira. Puis il repart. Je lui souhaite bonne chance, en me demandant s'il passera réellement la nuit. Je leur souhaite à tous bonne chance.
==Le nucléaire arrive à Saint-Louis==